Pour échapper à ses prédateurs, le lagopède a l’art du camouflage. Plumage couleur de rocailles à la belle saison, blanc immaculé l’hiver : il sait se fondre dans le paysage de haute montagne.
Réchauffement dans les Pyrénées : lourdes menaces sur la biodiversité

Elle qui vit entre 2 000 et 2 600 mètres d’altitude, sur les versants enneigés l’hiver et à la lisière des névés l’été… Va-t-elle s’adapter ou disparaître avec les neiges de moins en moins éternelles des Pyrénées ?

Disparition des glaciers…

Regard de bronze contemplant la direction du Vignemale, la statue d’Henry Russell médite peut-être la question à l’entrée de Gavarnie. Mort en 1909, le légendaire pyrénéiste du XIXe siècle ne voit heureusement pas le glacier d’Ossoue se réduire comme peau de chagrin. Entre 1881 et 1893, le comte avait fait creuser sur ses flancs sept grottes pour y passer d’excentriques villégiatures à l’abri du froid. À partir de 3 200 mètres, l’entrée taillée dans la roche était alors à hauteur de la glace. Les cavernes sont devenues des troglodytes perchés dans la paroi. "Cet été, le glacier d’Ossoue a encore perdu 1,60 m d’épaisseur et 8 m de longueur", constate Pierre René, glaciologue qui, avec l’association Moraine, suit depuis 18 ans l’évolution des glaciers pyrénéens. "Et la singularité de l’année 2020, c’est qu’elle caractérise à elle seule les 18 dernières années : nous sommes dans une situation très déficitaire et les pertes de glace que nous avons constatées sont l’exacte moyenne de toutes celles que nous relevons depuis 2001", précise-t-il, anticipant à ce rythme une disparition totale de l’emblématique Ossoue à l’horizon 2040 tandis que depuis 1984, 20 des 39 glaciers des Pyrénées se sont déjà évaporés.

Mais au-delà de la plus spectaculaire des conséquences du réchauffement climatique sur la chaîne c’est bien la question de la survie de plusieurs espèces endémiques d’altitude qui se pose aujourd’hui comme évolue ou disparaît aussi le milieu montagnard. "Le réchauffement climatique a des effets dominos considérables sur tout le vivant", rappelle Christophe Cognet, chef du service Connaissance et gestion des patrimoines du Parc national des Pyrénées. "On constate des remontées des étages de végétation, de flore, une redistribution de l’espace qui va sans doute bouleverser les milieux et les espèces qui y vivent. Le lézard de Bonnal, par exemple, espèce endémique des Pyrénées, est un lézard inféodé aux milieux d’altitude. Il ne pourra pas indéfiniment remonter, sans doute, et se retrouvera concurrencé aussi par le lézard commun. D’autres animaux endémiques comme le calotriton – l’euprocte des Pyrénées- mais aussi le desman (rat-trompette) ou le grand tétras, menacé également par la fermeture des milieux du fait de la déprise pastorale, sont ainsi directement concernés", liste Christophe Cognet n’oubliant pas non plus les migrateurs, certaines espèces d’oiseaux ayant déjà avancé leur date d’arrivée jusqu’à 10 jours depuis les années 60 lorsqu’elles ne préfèrent pas se sédentariser partiellement, comme les palombes.

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Androsace ciliée, fleur menacée © E.Florence – Parc national des Pyrénées.

Du côté de l’Observatoire pyrénéen du changement climatique où l’on construit une base de connaissances pour la future stratégie pyrénéenne d’adaptation, on s’inquiète aussi de l’augmentation du risque de propagation de certaines espèces exotiques, côté végétation, qui "s’adaptent mieux aux variations climatiques rapides par rapport à la plupart des espèces autochtones". Une perte de biodiversité dans les plantes qui impactera donc l’élevage et consécutivement les paysages qu’il a sculptés depuis des millénaires, entre autres, tandis que les parasites, eux, profitant de la chaleur, prolifèrent déjà, à l’instar des tiques…

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Grand Tétras, victime aussi de la fermeture des milieux © J.Demoulin – Parc national des Pyrénées.

Penser l’adaptation

Des épisodes de pluies torrentielles et de sécheresse de plus en plus intenses à prévoir, anticipent encore les scientifiques… "On va vers une réelle augmentation des risques naturels tels que glissements de terrain, éboulements, avalanches, inondations et, bien sûr, les incendies", rappelle l’OPCC. De fait, les enjeux majeurs sont d’ores et déjà "les forêts et l’eau" dont dépendent aussi les activités agropastorales, souligne Christophe Cognet puisque le réchauffement devrait aussi aggraver les problèmes déjà connus sur le territoire pyrénéen, tels que le dépeuplement, l’artificialisation et le bétonnage des meilleures terres, la fermeture des milieux, le manque de renouvellement des générations dans le secteur agricole… "La grande inconnue, c’est l’adaptation. Celle de la faune, de la flore, qui se fera ou pas… La nôtre, aussi. Aujourd’hui, la prise de conscience est en train de se faire, même si elle n’est pas encore suffisante, la lutte contre le réchauffement est engagée. Par contre, nous n’en sommes qu’aux balbutiements concernant une adaptation qui nous impose d’anticiper sur 30 ou 40 ans et notre travail, au Parc national, c’est aussi de sensibiliser chacun à cet enjeu", conclut-il.

Calotriton

Calotriton ou Euprocte des Pyrénées, espèce endémique aussi concernée par les conséquences du réchauffement © D.Melet – Parc national des Pyrénées.

Source: ladepeche.fr

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