Des traces de pollution de l'époque romaine dans les glaces du Mont-Blanc
Nos ancêtres les pollueurs ! En étudiant des carottes de glace prélevées à 4300 mètres d'altitude dans les profondeurs du glacier du col du Dôme sous le sommet du Mont-Blanc, des chercheurs du CNRS de l'Institut des Géosciences de l'Environnement de Grenoble viennent de démontrer que sous l'Antiquité, nos ancêtres les Romains ont longtemps pollué l'atmosphère en plomb et en antimoine, deux métaux lourds toxiques. Décryptage de cette étude avec Michel Legrand, chercheur au CNRS à Grenoble.
Jusqu'à présent on ignorait le degré de pollution en Europe sous l'Antiquité
Michel Legrand : Que les Romains soient des pollueurs ça c'est déjà relativement connu. Des études avaient été faites au Groenland, mais le Groenland ne donnait pas le degré de pollution en Europe, en zone source, là où il y avait des pollutions. Donc en fait, ce qui manquait jusqu'à maintenant c'était de pouvoir analyser la glace ancienne datant de l'Antiquité dans les Alpes, c'est le seul site où on peut le faire, et c'est ce que l'on a réussi à faire.
C'est le carbone 14 qui vous permet de dater une glace si ancienne ?
Oui, parce que le carbone naturel, qu'on va retrouver dans la glace, il n'y en a pas beaucoup mais il y en a quand même, c'est essentiellement des petits débris végétaux, de petites particules de végétaux. Et en datant le carbone 14 de ces débris végétaux, on va pouvoir déterminer l'âge.
Cette étude nous montre, et c'est la première fois que c'est démontré, que la glace des Alpes a archivé la pollution durant l'Antiquité romaine, et que c'est la meilleure archive pour comparer cette pollution du temps des romains à la pollution qu'on a connu il y a une trentaine d'années avec l'essence sans plomb.
Les Romains ont-ils pollué moins en quantité mais plus longtemps ? Que nous montre cette comparaison ?
Elle montre que les Romains ont perturbé de manière significative la teneur naturelle en métaux, le bruit naturel comme on dit dans notre jargon, d'un facteur 10, que ça reste plus faible que la perturbation liée à l'utilisation de l'essence sans plomb, mais attention la perturbation des Romains a duré beaucoup plus longtemps, plusieurs siècles. Ce n'est pas trente ans comme l'essence sans plomb.