Lundi 7 août, une évaluation fédérale sur le climat a été mise à disposition par des scientifiques avec le New York Times.
Un nouveau rapport pour résister contre la censure de Trump

Des scientifiques ont décidé de publier un rapport sur le changement climatique aux États-Unis via les médias, par crainte que l'administration climatosceptique de Donald Trump ne modifie ou n'en censure la version finale.

Lundi 7 août, une évaluation fédérale sur le climat a été mise à disposition de l'opinion publique prématurément par des scientifiques avec le New York Times. Une décision prise par la communauté scientifique américaine qui doit nous inquiéter au plus haut point.

Car rendre public un tel rapport scientifique avant la fin du processus de vérification n'est pas habituel de la part des chercheurs. Mais dans un contexte de guerre du gouvernement contre des faits "gênants" pour ses politiques, comme la preuve de la part de responsabilité de l'homme dans le réchauffement climatique, ce geste est presque nécessaire.

Une collaboration inhabituelle entre scientifiques et médias

Ce rapport – une section du National Climate Assessment, une initiative continue de chercheurs américains se consacrant au changement climatique – se concentre sur comment le réchauffement de l'air et la hausse des températures des océans sont déjà nocifs pour les États-Unis et continueront de l'être. Il a d'abord été partagé en janvier sur Internet Archive, une bibliothèque numérique gratuite en libre accès, puis publié par le New York Times.

D'ordinaire, les scientifiques se refusent à partager de tels "brouillons" de recherches avec les médias. En effet, des changements risquent toujours d'être apportés aux résultats ; les chercheurs se doivent donc d'être méticuleux quant au choix des mots et à la véracité des chiffres qui seront dévoilés au public. Ce n'est pas la première fois qu'ils dévoilent avant l'heure un extrait de rapport, mais ce sont aujourd'hui les raisons qui les poussent à le faire qui sont inquiétantes. En effet, le gouvernement américain ayant déclaré la guerre au changement climatique et à tous les éléments scientifiques capables de prouver son existence, le monde de la science n'a d'autre choix que de prendre une voie détournée.

Une censure gouvernementale des preuves du réchauffement climatique

L'article du Times cite ainsi un scientifique, resté anonyme, qui explique qu'avec certains collègues, ils étaient "inquiets de le voir [le rapport] supprimer". Le 1er août, Nature News racontait aussi l'inquiétude grandissante des scientifiques quant à l'avenir du National Climate Assessment, dont le premier rapport était publié en 2000 (celui en préparation actuellement sera le 4e).

En d'autres termes, ils craignent que leurs résultats, qu'ils considèrent comme d'intérêt public, soient enterrés par l'administration.

Le rapport, qui attend toujours l'approbation du gouvernement pour publication, fait des projections liées au changement climatique pour les prochaines décennies sur le continent américain. Selon l'étude, les températures moyennes pourraient augmenter jusqu'à 0,35°C, en fonction des émissions de gaz à effet de serre. Les scientifiques concluent que le réchauffement climatique observé sur le seul territoire américain est sans précédent comparé aux 1 400 dernières années.

En somme, l'intégralité du rapport est en contradiction directe avec les déclarations des membres du gouvernement et de Donald Trump lui-même à propos des études sur le climat.

Depuis l'entrée en fonction de l'administration Trump, les représentants officiels ont, les uns après les autres, déclaré que la science était trop incertaine pour prouver que le réchauffement climatique est dû aux activités humaines.

Scott Pruitt – qui est à la tête de l'Agence de protection de l'environnement américaine – a même été jusqu'à nier l'existence d'un réchauffement causé par l'homme, et ordonné la mise hors-ligne et la révision de pages Web détaillant des résultats contraires. Il a aussi déclaré qu'on ignorait quelle part du réchauffement devait être attribuée aux émissions de gaz à effet de serre. Le rapport publié par les scientifiques répond à cette question : 0,03 à 0,04°C sont causés par les gaz à effet de serre produits par l'homme entre 1951 et 2010.*

Ironiquement, l'article du New York Times tombe le même jour qu'une enquête publiée par le Guardian et Inside Climate News qui révèle que l'administration a intimé à des membres du ministère de l'Agriculture de cesser d'employer le terme "changement climatique". À la place, on leur a demandé de parler de "temps extrême" ou de "résilience écologique" (la capacité de l'homme à développer des solutions face à des conditions météorologiques extrêmes).

Pour Peter Frumhoff, directeur des sciences à l'Union of Concerned Scientists, les scientifiques ont raison d'être inquiets pour l'avenir de leur rapport. "Soyons honnêtes : la peur des scientifiques que l'administration tente de modifier ou supprimer leur rapport est fondée", a-t-il commenté. "L'administration Trump a largement démontré son absence de considération pour la science et les preuves scientifiques, notamment vis-à-vis du changement climatique."

Malgré la contribution de 13 agences fédérales et de la National Academy of Sciences, le gouvernement actuel verrait ce rapport comme une menace et n'hésiterait donc pas à agir.

Une précaution inutile ?

"Les preuves du changement climatique abondent, du haut de l'atmosphère jusqu'au fond des océans. De nombreuses preuves démontrent que les activités humaines, spécifiquement les émissions de gaz à effet de serre, sont majoritairement responsables du réchauffement climatique observé récemment."  explique le rapport.

Cela dit, il se pourrait également que les responsables à la Maison Blanche n'aient jamais entendu parler du National Climate Assessment avant l'article du New York Times. En réalité, personne ne travaille vraiment au Bureau des sciences de la Maison Blanche, et Trump n'a même pas auprès de lui de conseiller spécialisé dans ce domaine.

C'est normalement ce genre de fonction – actuellement remplie par... personne – qui aurait eu pour fonction d'informer le président et le guider à travers les différentes étapes de révision et d'approbation. En leur absence, il est possible que personne n'ait remarqué le rapport, en train de prendre la poussière sur un bureau quelconque.

L'attention que génèrera cette révélation risque de provoquer un retour de flammes de la part de l'administration et d'autres déclarations de climatosceptiques remettant en cause les résultats des scientifiques. Pire, des membres du gouvernement risquent a posteriori de faire pression pour censurer des extraits de ce rapport. Heureusement, le voilà de toute façon déjà aux mains du grand public.

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