L'amélioration de la gestion des aires protégées en France
Les aires terrestres protégées font-elles assez pour la biodiversité? Probablement pas, estiment des chercheurs dans la revue Nature. Selon leur étude, elles pourraient grandement gagner en efficacité, en allant au-delà du seul critère de la diversité en espèces.
La question s’était déjà posée pour les aires marines protégées (AMP), à l’occasion d’une étude française publiée en 2014. Ces réserves sont principalement implantées dans des lieux où le nombre d’espèces est élevé, là où la disparition de l’une d’entre elles poserait peu problème à l’écosystème.
A l’inverse, des zones moins riches en espèces sont insuffisamment protégées, alors que chaque espèce, du fait d’une moindre redondance fonctionnelle avec d’autres, y assure de plus grands services écosystémiques, et que leur disparition occasionnerait un plus grand déséquilibre.
LES TROIS BIODIVERSITÉS
Dans leur étude publiée jeudi 25 mai dans Nature, Laura Pollock, du Laboratoire d’écologie alpine (LECA, CNRS/université Grenoble Alpes), et ses collègues estiment qu’il faudrait repenser le réseau d’aires terrestres protégées au-delà du seul critère de diversité spécifique. Les chercheurs se sont penchés sur d’autres critères de biodiversité, à savoir la diversité phylogénétique et la diversité fonctionnelle, aussi bien pour les oiseaux que pour les mammifères.
«La diversité phylogénétique s’appuie sur le fait que les animaux sont issus d’une histoire évolutive: dans une zone donnée, plus l’ancêtre commun des espèces présentes est éloigné dans le temps, plus cette diversité sera élevée», explique Wilfried Thuiller, directeur de recherche au LECA et co-auteur de l’étude, contacté par le JDLE.
Quant à la diversité fonctionnelle, elle s’appuie, par exemple, sur «les différents types de nourriture des espèces présentes, ou sur des périodes d’activité différentes (diurne, nocturne): un système fonctionnellement très divers est plus stable, plus résilient», ajoute le chercheur grenoblois.
UN RÉSEAU SOUS-OPTIMAL
Or selon ces deux critères de biodiversité, le réseau actuel des aires terrestres protégées semble «assez imparfait», juge Wilfried Thuiller. Axé en grande partie sur la richesse spécifique, sur des espèces emblématiques et/ou endémiques, ainsi que sur une faible densité humaine, il laisse de côté 26% des espèces mondiales de mammifères et d’oiseaux, dont l’aire de répartition se situe en dehors de ces zones.
Pourtant, il serait possible, à surface équivalente, de protéger l’ensemble des espèces mondiales, ainsi que l’ensemble des biodiversités phylogénétique et fonctionnelle par un meilleur zonage, notent les chercheurs.
L’étude montre que, en accroissant les aires protégées de seulement 1% de la surface terrestre mondiale et en tenant compte des trois types de biodiversité, l’efficacité du réseau, aussi bien en termes de protection des espèces, de phylogénie que de fonctionnalité, pourrait être doublée.
PLUS D’ESPÈCES RARES COUVERTES
Pour un accroissement de 5%, elle pourrait même tripler, et 1.500 autres espèces d’oiseaux pourraient être couvertes. Environ 90% des espèces rares, aussi bien d’oiseaux que de mammifères, pourraient être abritées par un réseau repensé à l’aune des trois types de biodiversité, contre seulement 30% en ne tenant compte que de la diversité en espèces.
«Grâce à des algorithmes tenant compte de ces trois types de biodiversité, il est théoriquement possible de tripler l’efficacité du réseau actuel avec un accroissement de seulement 5% de la surface terrestre protégée. Bien sûr, c’est un objectif qui reste utopique, parce qu’il faut tenir compte du coût de la terre [et de ses usages, notamment agricoles, ndlr] et de la présence humaine», conclut Wilfried Thuiller.
Source : journaldelenvironnement.net