« Nous avons un triple combat à mener, un combat pour la paix, un combat pour la démocratie et un combat pour l’Écologie. »

Interview avec Florian BRUNNER

Cette interview a été réalisée par Aymeric LICHTENAUER (twitter)

©Photographie : Axelle Jehl. (Photo éditée par Tired Earth France)

Quelle est aujourd’hui votre position sur l’Écologie et sur ses enjeux ?

L’Écologie est un domaine incontournable. La priorité pour l’Écologie politique est de favoriser le dialogue, le travail en équipe, afin d’élaborer et de porter des projets innovants. Nous devons revenir à une certaine rigueur d’analyse scientifique, en étant moins dans des considérations générales et en privilégiant une approche plus concrète. On néglige trop souvent le contexte des relations internationales. Il faudrait engager des réflexions à l’échelle globale, en étant moins dans la personnification. Nous pouvons apporter des réponses plus tangibles à l’échelle planétaire, en passant moins par la prédominance historique du recours à l’échelon national, en favorisant les mouvements transnationaux, de manière à structurer des dynamiques plus amples, plus rigoureuses et concrètes. 

Nous devons développer une Écologie pragmatique et intégrée, à l’échelle européenne. La prise de conscience est là pour une grande partie de la population européenne. Nous devons désormais rentrer dans une phase indispensable de réflexion et de propositions. Il est primordial de dépasser les simples mouvements de protestation afin d’engager une réelle démarche de propositions, en constituant des cercles de réflexion et d’influence, en se mettant en capacité de dialoguer avec les dirigeants de l’Union et les institutions européennes, avec comme finalité d’aboutir à des décisions politiques opérantes, dans le domaine de l’Écologie. Nous pouvons entamer des discussions avec les quatre premiers groupes politiques du Parlement Européen (PPE, S&D, Renew Europe, Verts-ALE), qui ont été formés suite aux élections européennes de mai 2019, avec une réserve sur le PPE, un groupe politique qui reste plus conservateur et moins attentif à ces enjeux. 

Nous sommes à un moment déterminant. Nous disposons de réelles marges de manœuvre, pour faire progresser l’Écologie politique en Europe. Il est toujours plus simple d’aboutir à des décisions politiques au service de l’environnement au sein de l’Union européenne, qu’en parlant avec Donald Trump, Vladimir Poutine, Xi Jinping ou Narendra Modi.

Que pouvez-vous nous dire sur votre sensibilité écologique ? Quel a été ce cheminement ?

J’ai eu une enfance liée à la Nature, car mon père est forestier et il m’a sensibilisé au respect de l’environnement. Il m’a fait découvrir la biodiversité, les subtilités de la faune et de la flore, la complexité des lois qui régissent un monde qui peut se montrer apaisant, mais qui peut aussi se révéler impitoyable. J’avais et j’ai toujours un profond respect pour la Nature, tout en restant critique envers cet univers dénué de morale. Je suis fermement contre tout abandon de déchets dans la Nature. C’est inexcusable, les déchets n’ont rien à faire dans une forêt, dans les rochers ou la neige, ou encore dans la mer. Ils n’ont également pas leur place dans les rues des villes. La place des déchets, c’est dans les poubelles, en respectant le tri sélectif. Je suis très vigilant sur le problème des déchets, en ayant ce respect de la préservation de l’intégrité de l’Environnement. 

J’ai toujours eu aussi une curiosité pour les Animaux. Quand j’étais enfant, je les observais et je me mettais au contact direct avec eux, avec ce profond respect pour leur habitat et leur milieu. En ville, je mettais aussi à l’abri certains animaux en perdition, comme les hérissons, des insectes, etc. Durant mon enfance et mon adolescence, j’étais plus proche de la Nature, de la campagne, que de la ville. Je pense que l’enjeu actuel est de remettre de la nature dans les villes, de favoriser le bien-être et la qualité de vie des habitants, en développant les circuits piétons, la végétalisation de l’espace urbain et les transports en commun. Je déteste les secteurs trop bétonnés. La ville a besoin de respirer, avec des poumons verts. Il faudrait également que les citadins aient une culture du jardin, en concevant cet espace comme un écosystème, ce qui favoriserait le développement d’un meilleur cadre de vie.

Nous entrons dans un contexte électoral de campagne pour les élections municipales. C’est donc le moment d’interpeller les Maires et les candidats, sur la cause environnementale et le développement d’un urbanisme écologique.

L’Union Européenne apparaît aujourd’hui comme le seul levier global et comme seule réponse à la crise écologique. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, en vous sachant pro-européen et Président d’un Think Tank ? De plus, quelles seraient les réponses à apporter, à l’échelle européenne, pour répondre à l’urgence climatique ?

Je pense que nous pouvons construire un dialogue entre les dirigeants et les citoyens, en Europe. La démocratie européenne et l’Écologie sont liées, car la démocratie doit se développer pour pouvoir répondre à l’urgence écologique, de manière à créer un front commun et d’unir les États européens. Il y a eu un regain de participation aux dernières élections européennes, c’est donc le moment de nourrir cette dynamique et de mettre en œuvre un processus démocratique plus abouti, en développant les Consultations Citoyennes et les débats. Les institutions européennes pourraient les générer, les développer et les accompagner. Les dynamiques citoyennes spontanées sont également pertinentes, si elles arrivent à organiser une réelle action, influençant plus directement les décisions politiques. Nous pouvons également favoriser le développement de laboratoires d’idées citoyens et européens.

Par ailleurs, il serait pertinent de constituer une union pour l’innovation écologique et le climat, autour de trois ou quatre pays européens pilotes, au sein d’un groupe représentatif de la diversité de l’Union Européenne. La France et l’Allemagne ont vocation à participer à cette union, sans volonté hégémonique, dans un rapport plus équilibré avec leurs partenaires. Ce cercle pourrait s’ouvrir à d’autres pays hors Union Européenne, comme la Suisse ou les pays riverains de la Méditerranée, ou encore le Royaume-Uni, si il quitte l’Union Européenne. Pour peser à l’échelle mondiale, sur les sujets écologiques et environnementaux, nous devons développer une véritable Diplomatie de l’Union européenne. Il n’existe aujourd’hui, aucune autorité politique pour les Affaires Etrangères, permettant d’exprimer de manière intangible la position de tous les Etats de l’Union. Les diplomaties des Etats membres de l’Union manquent encore de cohérence. Dans ce contexte, il est indispensable d’amplifier et de consolider le rôle du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Une voix européenne forte est vitale pour la défense de la Paix, dans un monde très instable et dangereux. Le risque de guerre existe au Moyen-Orient, avec l’accroissement des tensions entre les Etats-Unis et l’Iran. Il ne peut y avoir de développement écologique, sans une paix durable et une démocratie fortifiée. Les régimes autoritaires ne respectent pas la vie de leurs citoyens, comment pourraient-ils respecter la vie dans toute sa richesse et sa diversité ? Nous avons donc un triple combat à mener, un combat pour la paix, un combat pour la démocratie et un combat pour l’Écologie.

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