Le gouvernement a présenté en conseil des ministres mercredi (2 novembre) un projet de loi pour relancer la filière nucléaire.
Nucléaire : le gouvernement français a présenté son projet de loi pour aller « de l’avant »

En parallèle, un débat national s’ouvre sur la création de six nouveaux réacteurs, un « coup de bluff » et une « manœuvre politicienne » pour certaines associations environnementales.

Le projet de loi « relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes » se concentre notamment sur la construction de six réacteurs à eau pressurisée 2ème génération, dit « EPR 2 ». D’autant que la crise énergétique en Europe renforce la nécessité d’accélérer le déploiement de sources d’énergie décarbonée.

Ce projet de loi « répond à l’urgence de la crise tout en regardant de l’avant », explique en ce sens Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, après la présentation du texte aux ministres.

Pour cela, le texte rationalise et simplifie certaines procédures administratives, sans pour autant « atténuer les exigences de la France en matière de respect de l’environnement ou de sûreté nucléaire », avance-t-il.

Un texte sur le nucléaire après un texte sur les EnR

Le projet de loi fait suite à un autre texte sur le développement des énergies renouvelables (EnR), présenté en conseil des ministres le 26 septembre dernier et en débat au Sénat depuis mercredi.

« Construire de nouveaux EPR est indépendant du travail fait pour développer le renouvelable », souligne toutefois M. Véran.

« Notre enjeu est double : à la fois maîtriser notre souveraineté énergétique et décarboner notre mix énergétique afin de sortir des énergies fossiles », ajoute le député Renaissance des Hauts-de-Seine Pierre Cazeneuve au micro de RTL mercredi. La décarbonation doit, selon lui, « passer par les énergies renouvelables et le nucléaire ».

Il faut donc, pour cela, relancer la filière nucléaire en développant de nouveaux EPR – dont les rendements énergétiques seraient plus importants que les réacteurs actuels et les systèmes de sûreté plus fiables.

En février dernier, en plein dans la campagne des présidentielles, Emmanuel Macron annonçait ainsi qu’il souhaitait construire 14 EPR et prolonger au-delà de cinquante ans la durée de vie des réacteurs existants.

La France fidèle à ses obligations ?

Mais ce nouvel engagement mettrait-il en péril l’engagement de la France, inscrit dans la loi, de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici 2035 ?

Pour le moment, le gouvernement s’est engagé à laisser cette contrainte inchangée, quoiqu’il « est possible que cet objectif soit discuté dans le cadre de l’élaboration et de l’examen d’un autre projet de loi relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie » dès 2023, souligne une note du cabinet Gossement Avocats.

Actuellement, en termes de capacité installée, le parc nucléaire français, lorsqu’il ne subit pas de pressions particulières forçant certains réacteurs à rester à l’arrêt, représente 60 à 70% du mix électrique.

Par ailleurs, la France s’était, dès 2015, engagée à plafonner la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire à 63,2 gigawatts, ce dont dispose dorénavant le code de l’énergie

Alors que le gouvernement ne bénéficie que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, une révision des engagements vis-à-vis de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique français pourrait d’ailleurs sceller une possible alliance avec le parti Les Républicains (LR – droite).

Le député LR, Raphaël Schellenberger, expliquait en effet, dans le cadre d’un entretien exclusif avec EURACTIV France, en octobre, qu’il était prêt à « met[tre] fin à l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix français » pour envoyer « un signal qui permette à la filière de se projeter ».

Le député du Haut-Rhin, territoire la dernière centrale nucléaire fermée en France à Fessenheim, a d’ailleurs déposé en septembre une proposition de loi « visant à rendre à la France sa capacité à développer la filière nucléaire » pour abroger l’objectif de réduction du nucléaire dans le mix électrique.

Un débat national pour « faire semblant »

Un projet de loi qui est donc loin de faire l’unanimité.

Dans un communiqué de presse publié dans la foulée du Conseil des ministres, l’association de protection de l’environnement Greenpeace France fustigeait une « manœuvre politicienne qui vise […] à mettre les citoyens et les générations futures devant le fait accompli ».

Selon l’ONG, les échéances sont en effet paradoxales, puisque le texte devrait être adopté avant la fin du débat organisé par la Commission national du débat public (CNDP) organisé du 27 octobre 2022 au 27 février 2023, au sujet de la construction de nouveaux EPR. 

Or, le débat est obligatoire avant toute décision d’ouverture de nouvelles centrales.

De plus, une telle décision devra impérativement passer par « une révision de la Programmation pluriannuelle sur l’Energie (PPE) dans laquelle pourra être fixé un calendrier de réalisation de nouveaux réacteurs, si c’est ce que le Parlement décide », analysait Michel Badré, président de la CNDP, dans Le Monde du 26 octobre. 

« La question du nucléaire ne passe que par la démocratie et la co-construction. Indéniablement, le gouvernement prend le mauvais chemin », argue enfin la député écologiste, Marie Pochon, auprès d’EURACTIV France.

Source: euractiv.fr

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