Dans un second village des Vosges, l’eau du robinet est désormais interdite à la consommation pour les habitants les plus vulnérables. La raison ? Une contamination par les PFAS, ces « polluants éternels » résistants à toute dégradation. Entre inquiétudes pour la santé publique, perspective de filières vertes pour dépolluer les eaux et responsabilité des citoyens et des autorités, cette alerte locale illustre combien l’eau, ressource vitale, reste fragile face aux pressions chimiques et environnementales.
Le matin du 9 novembre, dans un petit village niché au cœur des Vosges, la moitié des robinets se sont figés. Le panneau municipal annonçant « Eau interdite à la consommation » est posé à l’entrée du réseau : plus un seul citoyen ne peut remplir un verre d’eau, ni préparer un biberon avec celle du robinet. Cette restriction, prise dans un second village vosgien après la première affaire récente, révèle à quel point les « polluants éternels », ces PFAS, peuvent s’immiscer dans le quotidien sans préavis [
1].
Une contamination insidieuse
L’eau du réseau a été mesurée à 0,14 microgramme par litre pour la somme de vingt principaux PFAS dans le village de Tendon — contre une norme de 0,1 µg/L [
2]. Six jours plus tôt, dans la commune voisine d’Arrentès-de-Corcieux, une valeur de 0,73 µg/L avait imposé l’interdiction générale [
3]. Dans les deux cas, l’origine pointée pourrait être liée à l’épandage de boues papetières ou d’épuration contaminées, utilisées comme amendement agricole, relâchant ces composés ultrarésistants dans l’environnement [
4]. Les autorités sanitaires régionales précisent toutefois que les investigations sont toujours en cours
[5].
Le moment choisi n’est pas anodin. On est quelques jours après la Journée mondiale de l’écologie du 1er novembre, un symbole : l’eau, ressource vitale, devient ici un terrain d’alerte pour la transition écologique. Et localement, les habitants voient leurs routines bouleversées : remplir la bouilloire, laver les légumes, préparer un repas… tout prend désormais un goût d’inquiétude.
Santé publique : un vrai risque
Les PFAS ne sont pas des inconnus : présents depuis des décennies dans des objets du quotidien (textiles imperméables, ustensiles antiadhésifs, emballages…), ces composés se retrouvent dans l’eau, les sols et l’air [
6]. L’inquiétude grandit parce qu’ils sont associés à des effets sur la santé : augmentation de certains cancers, perturbation de la fertilité, altération du développement fœtal, et risque pour les personnes immunodéprimées [
7].
Dans ce village vosgien, les habitants fragiles — femmes enceintes, enfants en bas âge, personnes immunodéprimées — ont reçu un message clair : ne pas consommer l’eau du robinet, ne pas l’utiliser pour les biberons. L’Agence Régionale de Santé Grand Est a rappelé que la filtration domestique classique ne garantit pas l’élimination de ces molécules. Pour les médecins et associations, c’est une sonnette d’alarme : quand l’eau, ressource supposée la plus contrôlée, devient suspecte, c’est tout un système de santé publique qui est sollicité.
Transition écologique et emplois verts : une opportunité à saisir
Mais cette crise locale peut aussi servir de tremplin. La dépollution des PFAS appelle des technologies nouvelles : traitement des eaux, installation de filtres à grande échelle, assainissement, réduction à la source des rejets. C’est un chantier qui pourrait ouvrir la voie à de nouveaux “emplois verts”, mobilisant ingénieurs, techniciens et collectivités locales autour de solutions de dépollution. Le ministère chargé de la transition écologique pourrait également orienter des appels à projets ciblés dans les zones affectées — à condition que les acteurs locaux s’y engagent pleinement.
Ce lien entre urgence sanitaire et opportunité écologique reste une perspective : au lieu d’attendre la norme européenne, la France pourrait anticiper, innover, créer des filières et renforcer la surveillance de ses réseaux.
Que peuvent faire les citoyens et l’État ?
D’abord, en tant que citoyennes et citoyens : demander la transparence sur les analyses d’eau de votre commune, s’informer via les cartes interactives disponibles sur « Dans mon eau », limiter les sources de PFAS (équipements antiadhésifs usés, textiles imperméables…), et demander à leur mairie ou association locale une réunion publique.
Ensuite, l’action revient au Ministère de la Transition écologique : fixer des objectifs clairs de réduction des rejets de PFAS, financer les collectivités les plus impactées, accompagner les reconversions professionnelles, imposer le bilan des boues et forcer la mise aux normes des stations d’épuration.
Enfin, aux collectivités locales d’agir vite : étude des réseaux d’eau, mise en place de systèmes temporaires (eau embouteillée…), concertation avec les habitants, plan de long terme.
Pourquoi maintenant ?
Parce que cette affaire nationale se joue d’abord à l’échelle locale : un village vosgien, un robinet fermé, un souffle d’alerte. Le fait qu’elle survienne peu après la Journée mondiale de l’écologie souligne l’urgence : l’eau ne peut plus être traitée comme acquise. Dans un pays où les petites communes sont souvent les plus vulnérables, ce « deuxième village » est un signal fort.
Surveillance, santé publique, emplois écologiques, mobilisation citoyenne : tout est lié. Et si, dans quelques mois, ce village re-transforme sa crise en projet vert, ce sera un bon signe.
Sources :
1. PFAS : surveillance de l’état des eaux de la France, Ministère de la Transition écologique
2. PFAS : les habitants de La Ferté-sur-Chiers dans les Ardennes peuvent à nouveau boire l'eau du robinet, France Bleu
3. PFAS : explorez la carte d’Europe de la contamination par les « polluants éternels », Le Monde
4. Cette carte interactive vous indique si l'eau du robinet est polluée chez vous, BFMTV
5. Situation des PFAS dans les Vosges, ARS Grand Est
6. Île-de-France : l’eau du robinet est-elle cancérigène ?
7. PFAS et santé : risques et études, Générations Futures
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