Alors que la bande de Gaza traverse une des crises humanitaires les plus aiguës de son histoire récente, l’aide humanitaire internationale se heurte à un mur idéologique érigé au nom de la sécurité. Depuis des mois, les convois d’aide alimentaire, médicale et logistique se voient ralentis, filtrés, voire interdits d’accès, au nom d’une lutte implacable contre un « terrorisme » omniprésent et diffus. Cette impasse humanitaire découle d’une logique politique bien rodée : l’amalgame systématique entre population civile et ennemi déclaré.
Comme dans d’autres conflits asymétriques du XXe siècle, l’occupant refuse de reconnaître aux combattants adverses le statut de résistants. Le cas palestinien n’échappe pas à cette logique. Dans le discours officiel israélien, il n’existe que deux figures : le soldat israélien et le terroriste palestinien. En niant toute légitimité au combat palestinien — en évacuant le terme même de « résistance » —, Israël consolide sa propre légitimité, celle d’un État défendant son existence contre une menace prétendument absolue. Ce cadrage n’est pas sans rappeler d’autres situations coloniales : l’Algérie, par exemple, où « les événements » avaient laissé place à une opération pour sécuriser militairement le territoire menacé par les terroristes du FLN ou l’Afrique du Sud de l’apartheid criminalisant les opposants à son régime.
Cette rhétorique ne sert pas seulement un récit militaire. Elle justifie, en creux, l’extrême brutalité des opérations sur le terrain. Dès lors que l’adversaire est qualifié de « bête féroce », pour reprendre une image largement véhiculée dans les discours de guerre, son élimination devient non seulement permise, mais nécessaire. La distinction entre civils et combattants devient floue, voire inexistante.
Il y a plus de 16 ans déjà, lors d’une offensive majeure sur Gaza, un porte-parole de l’armée israélienne avait résumé la stratégie ainsi : « Nous allons nettoyer les nids de terroristes. » Quelques jours plus tard, alors que le bilan humain devenait intenable, un porte-parole du gouvernement israélien déclarait froidement : « Oui… mais ce sont des terroristes. »
Or, c’est précisément ce glissement — de la guerre à l’éradication — qui rend l’aide humanitaire si difficile à acheminer. En désignant toute présence, tout mouvement, toute organisation dans Gaza comme potentiellement terroriste, on criminalise l’ensemble de la société civile palestinienne. Les hôpitaux, les écoles, les ONG locales, les ambulanciers deviennent des cibles suspectes. Et les populations, affamées, déplacées, blessées, sont soupçonnées d’être complices par simple proximité géographique.
Cette situation place les acteurs humanitaires dans un dilemme éthique insoutenable. Fournir de l’aide devient un acte politique, voire subversif, aux yeux des autorités israéliennes, tant il menace de réhumaniser ceux que la guerre s’efforce de déshumaniser. L’urgence humanitaire est ainsi prise en otage par un narratif qui ne laisse place qu’à l’hostilité, sans nuance, sans exception.
Pour sortir de cette impasse, il est urgent de réaffirmer le droit international humanitaire, qui exige la protection des civils et l’accès sans entrave à l’aide, indépendamment de toute considération militaire. L’Écologie Autrement ! réaffirme la nécessité de déconstruire une rhétorique de guerre qui, en essentialisant l’ennemi y compris femmes et enfants, empêche toute solution politique et alimente une spirale de violences sans fin.
L’humanité ne se divise pas entre « terroristes » et « victimes légitimes ». Elle commence précisément là où l’on refuse cette réduction binaire — là où l’on choisit, malgré tout, d’acheminer l’eau, le pain, les médicaments, et de reconnaître la souffrance humaine pour ce qu’elle est : universelle, inacceptable, et à bannir durablement de notre belle planète.
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