« L’islam vert » : un nouvel élan spirituel face aux défis environnementaux en Indonésie

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Tired Earth

Par la rédaction

Le plus grand pays musulman du monde se mobilise contre la crise climatique grâce à une approche religieuse originale

Avec ses 228 millions d’habitants (en 2023), l’Indonésie est l’un des pays les plus pollués au monde et l’un des plus exposés aux catastrophes naturelles. Face à l’aggravation des problèmes environnementaux, un mouvement baptisé « l’islam vert » a vu le jour dans l’archipel. Inspiré des enseignements de l’islam, religion majoritaire du pays (87 % de la population), ce courant entend faire des fidèles musulmans les fers de lance de la lutte contre le changement climatique.
 
Avec plus de 17 000 îles, l’Indonésie est confrontée à des défis environnementaux majeurs. Outre la gestion chaotique des déchets, deux problèmes dominent : la production d’électricité à base de charbon et la déforestation massive.
 
Le pays est le premier exportateur mondial de charbon thermique et le premier producteur d’huile de palme, deux secteurs à fort impact carbone. Chaque année, des millions d’hectares de forêts sont rasés pour planter des palmiers ou extraire des minerais, tandis que les incendies de forêt et les inondations se multiplient sous l’effet d’événements climatiques extrêmes.
 
L’Indonésie détient également d’importantes réserves de nickel, composant essentiel des batteries pour véhicules électriques. Mais son traitement industriel repose encore largement sur les énergies fossiles. Le président élu Prabowo Subianto a d’ailleurs promis d’étendre la production de biocarburants, une mesure qui risque d’entraîner davantage de déforestation et de pollution.
 
Ces politiques ont un coût humain. Les émissions issues des centrales à charbon et des forêts détruites affectent gravement la santé des populations rurales et fragilisent leurs moyens de subsistance. Dans de nombreuses régions pauvres et isolées, les sécheresses deviennent récurrentes, accentuant la pauvreté.
 
L'imam de la mosquée Istiqlal de Jakarta propose des solutions aux problèmes environnementaux et à la pollution grâce aux enseignements islamiques.
 
Une foi engagée pour l’écologie
 
À Jakarta, la majestueuse mosquée Istiqlal, située sur la place Merdeka, incarne ce tournant religieux et écologique. Capable d’accueillir jusqu’à 200 000 fidèles, elle n’est pas seulement l’une des plus grandes mosquées d’Asie du Sud-Est, mais aussi un symbole du mouvement de « l’islam vert ».
 
L’édifice a été équipé de 500 panneaux solaires, réduisant sa facture d’électricité de 25 %. Grâce à l’installation de robinets économes en eau et à un système de recyclage, la consommation d’eau pour les ablutions a été considérablement réduite. Ces initiatives ont permis à la mosquée d’obtenir la toute première certification de bâtiment écologique délivrée par l’IFC à un lieu de culte.
 
Son grand imam, Nasaruddin Umar, ambitionne de convertir 70 % des quelque 800 000 mosquées du pays en « mosquées écologiques ». Dans un prêche du vendredi, il déclare :
« L’un de nos plus grands défauts humains est de traiter la Terre comme une chose ordinaire. Plus notre avidité envers la nature grandit, plus l’Heure approche. »
 
Pour lui, les solutions sont inscrites dans l’islam. « À l’image du jeûne du Ramadan, chaque musulman doit se considérer comme le gardien de la Terre. De la même manière que l’aumône est une forme de don, l’investissement dans les énergies renouvelables devrait être vu comme une offrande religieuse. Et tout comme la prière est quotidienne, planter des arbres devrait devenir une habitude. »
 
Le respect de l’environnement est au cœur de ses sermons. Choqué par l’état du fleuve pollué qui borde la mosquée, l’imam a ordonné son nettoyage. Pour alléger les factures énergétiques, il a doté le bâtiment d’équipements durables, estimant qu’il s’agit là d’un devoir spirituel conforme aux enseignements de l’islam.
 
« En tant que pays comptant le plus grand nombre de musulmans dans le monde, nous avons le devoir de montrer l’exemple », affirme-t-il.
 
Un mouvement croissant soutenu par les institutions islamiques
 
Le mouvement bénéficie du soutien des deux principales organisations musulmanes du pays, Nahdlatul Ulama et Muhammadiyah, qui financent écoles, hôpitaux et programmes sociaux. Nahdlatul Ulama a même engagé le militant écologiste Akh Abdullah Quddus pour diriger son programme « spiritualité environnementale », qui promeut la préservation de la nature à travers les valeurs islamiques.
 
En mars 2024, le Conseil des oulémas d’Indonésie, la plus haute autorité religieuse du pays, a publié une fatwa déclarant haram (interdit) tout acte causant un préjudice à la nature ou aggravant la crise climatique, y compris la déforestation et les émissions excessives.
 
Sur le plan politique, le mouvement a aussi gagné en influence. Le gouvernement de l’ex-président Joko Widodo a multiplié les partenariats avec des figures religieuses et des organisations islamiques pour viser la neutralité carbone d’ici 2060. Le ministère de l’Environnement et des Forêts a ainsi signé un accord avec Nahdlatul Ulama pour une gestion durable des forêts.
 
Dans le prolongement du rôle moteur de la mouvance de « l’islam vert », les plus hautes autorités religieuses du pays ont émis des fatwas sur la manière de réduire le changement climatique et de préserver l’environnement. Les militants écologistes sensibilisent leurs amis, familles, voisins et les écoles à la protection de la nature, en insistant sur le fait qu’il s’agit d’un principe fondamental de l’islam, inscrit dans le Coran.
 
Les partisans de ce mouvement affirment qu’en apprenant à 200 millions de musulmans à se soucier de l’environnement en lien avec leur foi, un véritable changement écologique et climatique peut voir le jour.
 
Dans ce contexte, Prabowo, chef du département de protection de l’environnement au sein du Conseil des oulémas d’Indonésie – la plus haute autorité religieuse islamique du pays – déclarait au New York Times :
 
    « Les gens n’écoutent pas les lois. Ils n’en ont que faire. En revanche, ils écoutent les leaders religieux, car ces derniers leur disent qu’on peut fuir les lois des hommes, mais pas celles de Dieu. »
 
Il rappelle que les fatwas du conseil ne sont pas juridiquement contraignantes, mais qu’elles ont eu un impact manifeste. Des études ont en effet révélé que dans les régions riches en forêts et en tourbières, les populations sont désormais plus conscientes des méfaits de la déforestation, en raison des fatwas interdisant ces pratiques.
 
Des panneaux solaires longent la grande mosquée Istiqlal à Jakarta
 
Une mission spirituelle et humaine
 
Dans la province de Java oriental, le militant écologiste Abdullah Qudus déclare :
    « Notre mission est d’être les intendants de la Terre, ses gardiens. Tel est le message de l’islam. »
    Il a tenté d’associer une campagne de reboisement à la célébration de la naissance du Prophète Muhammad. Bien que les débuts aient été difficiles, le soutien populaire s’est accru au fil du temps. Il a fondé un groupe baptisé « l’Armée verte ».
 
Composée de bénévoles, cette « armée » mène des campagnes de reforestation sur le mont Lemongan, un volcan modeste où quelque 2 000 hectares de forêts protégées ont été abattus. Grâce à leur travail, la région est à nouveau couverte de bambous et d’arbres fruitiers.
Une prise de conscience générationnelle
 
À Java centre, Elok Faiqotul Mutiya a grandi en voyant des tecks abattus pour alimenter l’entreprise familiale de fabrication de meubles. Devenue chercheuse pour Greenpeace, elle a ensuite fondé l’ONG Inter Nusantara, qui vise à sensibiliser les jeunes Indonésiens aux enjeux du changement climatique.
 
    « J’ai voulu racheter les fautes de mon père envers la Terre », confie-t-elle.
 
Elle estime que l’islam peut offrir aux Indonésiens un message plus bienveillant pour encourager la protection de l’environnement. Elle cite un sondage révélant que les musulmans du pays font davantage confiance à leurs chefs religieux qu’aux responsables politiques, aux médias ou au président.
Une mobilisation nationale et mondiale
 
De manière significative, l’impact des différentes organisations islamiques a contribué à renforcer la conscience écologique du pays et à pousser vers des politiques environnementales et énergétiques plus responsables.
 
Le ministère indonésien de l’Éducation et de la Culture s’est lui aussi inspiré de l’essor de « l’islam vert ». Il cherche à intégrer la question environnementale dès le plus jeune âge dans les programmes scolaires, en promouvant des pratiques durables et un enseignement de l’écologie au cœur de l’éducation.
 
Avec la plus grande population musulmane au monde, l’Indonésie montre comment la religion peut devenir un puissant levier dans la lutte contre la crise climatique et la protection de la planète. Le mouvement de « l’islam vert » commence d’ailleurs à s’exporter au-delà des frontières du pays.
 

Source : Aljazeera


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