Guerre

05 Aug 2025

De l’Amazonie à la Palestine : peuples autochtones, terre et résistance à l’ère du colonialisme écologique

logo

Thomas Durand

Le 9 août : une mémoire vivante des peuples enracinés

Le 9 août, Journée internationale des peuples autochtones, offre une occasion de rappeler que l’oppression des peuples premiers n’appartient pas au passé. Elle se poursuit, parfois sous des formes renouvelées, souvent sous le masque du progrès, du développement ou de la sécurité. Qu’ils vivent dans les forêts tropicales d’Amérique du Sud, dans les régions arctiques ou dans les montagnes d’Asie, les peuples autochtones ont en commun un lien vital, charnel et spirituel avec la terre — un lien que les logiques coloniales n’ont cessé de menacer, d’interrompre ou de détruire. À ce titre, la Palestine mérite d’être pensée non seulement comme un territoire occupé, mais comme l’un des lieux les plus emblématiques de cette fracture entre les logiques de dépossession coloniale et la fidélité d’un peuple à sa terre.
 
La terre, pour les peuples autochtones, n’est pas une marchandise à posséder ni un espace à exploiter. Elle est un prolongement de soi, une mémoire vivante, un sujet d’amour, de soin et de lutte. Ce rapport ontologique à la terre entre en conflit direct avec l’épistémologie coloniale, qui repose sur une séparation nette entre l’homme et la nature, sur l’appropriation des territoires, leur rationalisation, leur mise en valeur. Dans le cas de la Palestine, cette confrontation prend des formes d’autant plus visibles qu’elle se joue au quotidien : dans le déracinement d’un olivier, la destruction d’un champ, la construction d’un mur. La colonisation israélienne, comme toute entreprise coloniale, n’est pas seulement une occupation militaire ; elle est une reconfiguration de l’espace, une dislocation de l’histoire, une tentative de briser les liens intimes entre un peuple et son sol.
 
Palestine : écologie de la mémoire, résistance de la terre
 
Edward Saïd, dans ses écrits, a souligné à maintes reprises la centralité de la terre dans l’imaginaire et la résistance palestinienne. Il évoque les orangeraies de Jaffa, les oliviers des collines de Jérusalem, les maisons de pierre aux toits plats — non comme de simples éléments paysagers, mais comme les témoins silencieux d’une continuité culturelle et d’une appartenance irréductible. Détruire un arbre, dans ce contexte, n’est pas un acte neutre ; c’est une tentative d’effacer une mémoire, d’arracher un peuple à son inscription géographique. À l’inverse, replanter un olivier ou cultiver une terre menacée devient un acte de souveraineté, un geste de résistance enraciné.
 
Aujourd’hui, les Palestiniens incarnent, au même titre que d’autres peuples autochtones, une lutte écologique avant la lettre. Car préserver la terre, dans ce contexte, ce n’est pas seulement défendre un écosystème, mais défendre un mode de vie, une vision du monde, une relation non extractiviste à l’environnement. En Cisjordanie, des villages entiers continuent de pratiquer l’agriculture traditionnelle malgré les restrictions, les confiscations, les coupures d’eau. Des associations de jeunes plantent des arbres, restaurent des terrasses agricoles, récupèrent les savoirs anciens. Tout cela témoigne d’un attachement profond à la terre — non comme nostalgie, mais comme projet d’avenir.
 
 
Les Palestiniens autochtones sont profondément liés à leur nature, un lien que les occupants tentent de briser par la force
 
En Palestine, revenir à la terre n’est pas un simple retour aux sources : c’est une forme de résistance active face à l’effacement, une réaffirmation d’existence contre la dépossession. La replantation d’oliviers après les campagnes d’arrachage menées par l’armée ou les colons israéliens n’est pas un geste agricole, mais un acte politique profondément enraciné dans une mémoire collective. Vivre sous tente sur des terres menacées, cultiver les mêmes semences que les générations précédentes, restaurer des terrasses en pierre sèche, enseigner les techniques agricoles traditionnelles aux jeunes — tout cela participe à une écologie de la résilience. En choisissant de rester liés à leur terre, malgré l’occupation, les barrages, les routes de contournement et la fragmentation du territoire, les Palestiniens affirment que la terre ne peut être réduite à une carte ou à un titre foncier. Elle est récit, continuité, dignité. Face à une logique coloniale qui vise à effacer la nature comme témoin de la présence autochtone, la nature devient en retour un vecteur de narration, de transmission et de résistance vivante.
 
 
L’un des moyens utilisés par le colonialisme pour couper les Palestiniens autochtones de leur lien avec la nature est de les punir en déracinant leurs oliviers
 
Face à cela, l’entreprise coloniale se pare souvent des atours du développement durable, de la sécurité environnementale, de la gestion moderne des ressources. Le colonialisme écologique se manifeste dans les discours qui justifient l’expropriation au nom de la reforestation, ou la destruction de maisons palestiniennes sous prétexte de planification urbaine. Cette logique n’est pas propre à la Palestine : on la retrouve dans les mégaprojets d’infrastructure en Amazonie, dans les zones minières du Congo, dans les barrages sur le Nil ou le Mékong. Partout, des peuples enracinés se voient marginalisés au nom d’un futur qui leur est imposé, souvent au détriment du climat, de la biodiversité et de la justice sociale.
 
Terre, justice et avenir commun
 
Dans ce contexte, parler des peuples autochtones sans parler de la Palestine serait incomplet. Et inversement, défendre la cause palestinienne sans reconnaître sa dimension écologique, c’est manquer une partie essentielle de la vérité. La justice climatique, si elle veut être réellement juste, doit intégrer les luttes des peuples pour leur terre, leur souveraineté, leur mémoire. Et parmi eux, les Palestiniens se dressent, non seulement comme des victimes, mais comme des acteurs d’une écologie de la résistance. Une écologie qui ne sépare pas l’homme de la nature, mais les tisse ensemble dans une relation d’attention, de soin et de dignité.
 


cover cover cover cover cover

  • Make Me Move (feat. KARRA)

    Why we need a UN Treaty on plastic pollution The Ellen MacArthur Foundation is a UK charity working on business, learning, insights & analysis, and communications to accelerate the transition towards the circular economy.

  • Make Me Move (feat. KARRA)

    Air Pollution for Kids Air is all around us and we need it to survive.

  • Make Me Move (feat. KARRA)

    Why We Need to Stop Plastic Pollution? Our oceans are being filled and killed by throwaway plastics.

  • Make Me Move (feat. KARRA)

    Climate Change, Ecological Crisis and Sustainability We are all agents for change in climate action.

  • Make Me Move (feat. KARRA)

    Climate Racism Climate Racism: Social Inequalities in the Age of Climate Change

newsletter

The best of Tired Earth delivered to your inbox

Sign up for more inspiring photos, stories, and special offers from Tired Earth

By signing up for this email, you are agreeing to news, offers, and information from Tired Earth. Click here to visit our Privacy Policy.