Une analyse récente révèle une hausse spectaculaire des exportations de déchets plastiques britanniques vers les pays en développement : une augmentation de 84 % au premier semestre 2025 par rapport à la même période de l’an dernier.
Ces données, publiées par The Guardian et issues du travail de l’organisation américaine The Last Beach Cleanup, relancent le débat sur la responsabilité du Royaume-Uni dans la crise mondiale de la pollution plastique.
Des chiffres inquiétants derrière le discours du recyclage
Selon le rapport, la hausse la plus marquée concerne l’Indonésie, qui a reçu 24 006 tonnes de déchets plastiques britanniques entre janvier et juin 2025, contre seulement 525 tonnes l’an passé.
Les exportations vers la Malaisie ont, elles aussi, bondi pour atteindre 28 667 tonnes, contre 18 872 tonnes en 2024.
Au total, le Royaume-Uni a exporté plus de 317 000 tonnes de déchets plastiques sur les six premiers mois de l’année, un volume presque équivalent à celui de 2024. Ce qui préoccupe les experts, ce n’est pas seulement la quantité, mais la destination : près de 20 % de ces déchets ont été expédiés vers des pays non membres de l’OCDE, dont les infrastructures de gestion des déchets sont souvent insuffisantes pour en assurer le traitement écologique.
Alors que l’Union européenne a adopté en 2023 un interdiction d’exporter des déchets vers les pays pauvres, mesure qui entrera en vigueur fin 2026, le Royaume-Uni n’a toujours pas mis en place de dispositif équivalent.
Malgré les promesses répétées du gouvernement conservateur de mettre fin à ces exportations vers les pays non membres de l’OCDE, les chiffres montrent une réalité inverse : les volumes augmentent.
« Le Royaume-Uni intensifie ses exportations de déchets plastiques vers des pays comme la Malaisie et l’Indonésie. C’est une forme d’impérialisme des déchets, à la fois immorale et irresponsable », dénonce Jan Dell, fondatrice de The Last Beach Cleanup.
Le ministère britannique de l’Environnement (Defra) n’a pas souhaité commenter ces conclusions.
Les écologistes soulignent qu’une faille réglementaire permet encore d’exporter des déchets plastiques à un coût inférieur à celui du recyclage au Royaume-Uni.
Cette logique purement économique perpétue, selon eux, un système dans lequel les pays riches externalisent leurs coûts écologiques vers des nations vulnérables.
« C’est une question de morale avant tout », explique James McCleary, directeur général de Biffa Polymers, entreprise britannique de recyclage.
« Je ne veux pas que mes déchets finissent en Malaisie, ni me demander un jour si un enfant a perdu la vie quelque part à cause de ce que j’ai jeté dans ma poubelle. »
Le « colonialisme des déchets » : l’autre visage de la mondialisation
Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus large que les chercheurs qualifient désormais de colonialisme des déchets — une forme moderne d’exploitation où les pays du Nord exportent leurs pollutions vers le Sud au nom du recyclage.
Depuis que la Chine a interdit en 2018 l’importation de déchets étrangers, la majorité des flux se sont redirigés vers l’Asie du Sud-Est, la Turquie et l’Afrique, où les lois environnementales sont plus souples et les contrôles plus faibles.
Résultat : les pays les moins responsables de la pollution plastique en deviennent aujourd’hui les premières victimes.
Chaque année, le monde produit plus de 450 millions de tonnes de plastique, dont la moitié à usage unique.
Moins de 10 % de ces déchets sont recyclés, tandis que plus de 8 millions de tonnes finissent dans les océans, menaçant la biodiversité marine et contaminant la chaîne alimentaire.
Le plastique est responsable, sur l’ensemble de son cycle de vie, de près de 1,8 milliard de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an — davantage que celles combinées du secteur aérien et maritime.
Dans de nombreux pays récepteurs, les déchets importés sont incinérés à ciel ouvert, libérant des gaz toxiques et contribuant au réchauffement climatique.
Pour de nombreux observateurs, le cas britannique illustre un paradoxe profond : un pays qui se veut leader en matière de développement durable, mais qui continue d’exporter sa pollution vers les régions les plus vulnérables du globe.
« Tant que les pays riches traiteront leurs déchets comme une marchandise à déverser ailleurs, il ne pourra y avoir d’économie circulaire réelle — seulement une hypocrisie circulaire », résume un chercheur environnemental.
Tant que ces pratiques perdureront, préviennent les experts, le Sud global continuera de payer le prix écologique du confort et de la surconsommation du Nord.
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