Tout d’abord, les changements climatiques offrent de nouvelles possibilité pour l'agriculture canadienne.
Si le Canada devient un nouveau producteur de légumes tropicaux ?

Paterne Mirindi gère une exploitation agricole près de Trois-Rivières, au Québec. Depuis 2013, il expérimente la culture de différents légumes, notamment celle de l’amarante et de l'aubergine.

« Au début, on faisait des expérimentations pour voir si les légumes non produits au Canada pouvaient s’adapter ici », explique-t-il.

Et le succès ne se dément pas. M. Mirindi est l’un des rares producteurs de légumes tropicaux au Québec.

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Nous avons du mal à faire face à la demande qui vient de toutes les provinces.

Paterne Mirindi, directeur général de GVDRD Nord-Sud

En 2016, il a par exemple écoulé plus de cinq tonnes de feuilles d'amarante.

Ce sont surtout des consommateurs issus de l'immigration qui s'intéressent à sa production. Sa popularité a même gagné la Colombie-Britannique, où des communautés immigrantes l'ont contacté pour ouvrir des succursales dans leur région.

Un marché en croissance partout au Canada

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De plus en plus de petites exploitations comme celle de Paterne Mirindi se trouvent également ailleurs au Canada.

Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politiques agroalimentaires à l'Université Dalhousie, n'est pas surpris par ce phénomène.

Tout d’abord, les changements climatiques offrent de nouvelles possibilités, souligne-t-il.

On est en mesure de produire des légumes et des fruits qu’on ne pouvait pas produire auparavant. Ça incite les producteurs à produire autre chose que ce qu’on cultive depuis les 100 dernières années.

Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politiques agroalimentaires à l'Université Dalhousie

outes les provinces en profitent, mais c'est surtout dans le sud de l’Ontario et du Québec ainsi qu'en Colombie-Britannique dans la vallée du Fraser et de l’Okanagan que cette évolution a été la plus frappante.

En Ontario, par exemple, la production de légumes dits de spécialité comme le chou chinois était évaluée à 15,5 millions de dollars en 2015, selon les données du ministère de l’Agriculture de l’Ontario; et ce n’est qu’un début.

Les mutations démographiques

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Mais ce sont surtout les transformations démographiques de ces dernières années qui ont contribué au développement de ces cultures.

En fait, une double tendance a stimulé la demande en produits exotiques, en particulier la hausse de l’immigration, notamment du Sud-Est asiatique et de l’Afrique.

Les gens cherchent des produits qu’ils connaissent. « En arrivant d’un autre pays, d’un autre marché, on essaie de s’offrir les mêmes produits qu’on retrouve chez nous en travaillant avec dame nature », souligne M. Charlebois.

Par ailleurs, les Canadiens voyageant plus, sont plus intéressés à explorer d’autres saveurs et produits, souligne Viliam Zvalo, scientifique au Centre de recherche et d’innovation Vineland.

L’histoire des cultures ethnoculturelles au Canada, c’est l’histoire des changements démographiques au pays.

Viliam Zvalo, scientifique au Centre de recherche et d’innovation Vineland

Répondre à la demande

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C’est d’ailleurs en raison de cette croissance de la demande de produits qui ne poussent pas au Canada qu'il y a quelques années, le centre a mis en place un programme pour trouver le moyen de produire ici des aliments importés.

Nous voulions voir ce qui pouvait être fait au Canada pour que nous n’ayons plus à importer ce type de produits en grande quantité.

Viliam Zvalo

Le centre de recherche s'est plus particulièrement penché sur les possibilités de faire pousser des aubergines et des okras, deux des produits les plus recherchés.

Selon M. Zvalo, les importations d’aubergines et d'okras sont en hausse de près de 45 % depuis cinq ans, et cela ne va pas ralentir, note-t-il.

L'enjeu reste le climat. Plusieurs de ces produits ne peuvent pas pousser en serre. C'est le cas de l’okra qui croît dans les champs et qui reste donc une production saisonnière.

Un marché en croissance qui reste restreint

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S'il y a un bon potentiel de développement, les producteurs doivent aussi rester compétitifs.

Selon M. Charlebois, ce sont surtout de petits producteurs qui se lancent dans la culture de ces produits. « Il s'agit de productions marginalisées à circuit court dont le marché est restreint », explique-t-il.

Il est donc extrêmement difficile d'envisager des économies d’échelle et de produire en grande quantité.

« Le Canada pourrait ne plus importer uniquement si l’argent n’était pas une objection. Mais dans les faits, il y a certains produits pour lesquels nous ne serons jamais autosuffisants, les récoltes pourront approvisionner le marché local l’été », précise M. Zvalo.

On ne pourra pas remplacer toutes les productions.

Viliam Zvalo

Si l'autosuffisance est compromise, il n'est pas exclu que le Canada devienne tout de même un pays exportateur de produits tropicaux.

Certains producteurs se tournent en effet vers le marché américain. « Tout comme le Canada approvisionne en grande partie les États-Unis en tomates, il pourrait y avoir certains produits exportés, comme certaines aubergines », est convaincu M. Zvalo.

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