Près de la moitié des importations de miel de l’UE sont probablement frauduleuses
Selon une nouvelle analyse menée par la Commission, une part importante du miel importé dans l’Union européenne est soupçonnée d’être frauduleusement frelatée par l’ajout de sirops, un phénomène en nette augmentation par rapport aux années précédentes.
À l’heure actuelle, l’Union européenne ne produit pas suffisamment de miel pour répondre à la demande et importe de pays tiers environ 40 % du miel consommé par ses citoyens. Ainsi, les producteurs européens sont confrontés à des importations de plus en plus bon marché, notamment en provenance de Chine, avec lesquelles ils ne peuvent pas rivaliser.
Afin de mieux comprendre la situation, une analyse a été menée par la DG SANTÉ de la Commission européenne, en collaboration avec les autorités nationales de 18 pays qui font partie du réseau européen de lutte contre la fraude alimentaire, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne.
L’analyse, publiée jeudi (23 mars), a révélé que 46 % des 320 échantillons de miel importé, prélevés au hasard entre novembre 2021 et février 2022 et analysés par le CCR, ont probablement été frelatés.
Sur cette base, il existe une « forte suspicion qu’une grande partie du miel importé de pays non membres de l’UE et soupçonné par le CCR d’être frelatée reste présente et non détectée sur le marché de l’UE », a conclu le rapport.
Bien que la méthode de test soit insuffisante pour établir le frelatage, elle indique que les échantillons sont « soupçonnés d’être frelatés » et qu’ils ne sont donc pas conformes à la directive européenne sur le miel.
Le miel contient naturellement des sucres et, conformément aux règles de l’UE en la matière, il doit rester pur, c’est-à-dire qu’aucun ingrédient ne peut lui être ajouté. Il y a frelatage lorsque des ingrédients, comme l’eau ou des sirops de sucre bon marché, sont ajoutés artificiellement pour augmenter le volume du miel.
Bien que le risque pour la santé humaine soit considéré comme faible, ces pratiques trompent les consommateurs et nuisent aux producteurs de l’UE qui sont confrontés à une concurrence déloyale de produits contenant des ingrédients illicites et bon marché.
La valeur unitaire moyenne du miel importé dans l’UE était par exemple de 2,32 euros par kilogramme en 2021, alors que les sirops de sucre fabriqués à partir de riz coûtaient environ 0,40-0,60 euro par kilogramme.
Le pourcentage constaté dans cette dernière analyse est considérablement plus élevé que celui obtenu en 2015-17, qui s’élevait à 14 %, ce qui témoigne d’une tendance à la hausse inquiétante.
Le nombre absolu le plus élevé de livraisons suspectes provenait de Chine (74 %), mais le miel originaire de Turquie présentait la proportion relative la plus élevée d’échantillons suspects (93 %).
Par ailleurs, le miel importé du Royaume-Uni présentait un taux de suspicion encore plus élevé (100 %), ce qui, selon les chercheurs, est probablement dû au fait que le miel est produit dans d’autres pays, puis mélangé au Royaume-Uni avant d’être réexporté vers l’Union européenne.
Au total, plus de la moitié (57 %) des opérateurs ont exporté des lots de miel soupçonnés d’être frelatés par des sucres étrangers, tandis que plus de 60 % des opérateurs ont importé au moins un lot suspect.
« L’Union européenne est un importateur de miel, car la demande intérieure est supérieure à notre production domestique. Il est important que nous restions vigilants face à tout abus », a déclaré Ville Itälä, directeur général de l’OLAF.
Il a ajouté que si le type de fraude le plus fréquent en ce qui concerne le miel porte sur le frelatage, une deuxième enquête a également révélé des cas de fraude sur l’origine, caractérisée par des étiquettes revendiquant de fausses origines du produit.
« Cette action a permis d’attirer l’attention, de rappeler à l’ordre et de dissuader toute pratique frauduleuse », a-t-il conclu, appelant à un suivi adéquat des soupçons.
Réagissant à ces conclusions, l’association des agriculteurs de l’UE (COPA-COGECA) a appelé les décideurs de l’UE à « agir maintenant pour éviter le naufrage de la profession », qui, selon elle, pourrait conduire à un déclin substantiel des abeilles mellifères sur le continent.
Stanislav Jaš, président du groupe de travail sur le miel de l’association des agriculteurs de l’UE, a estimé que les conclusions de l’étude expliquaient « pourquoi nous vivons une véritable catastrophe agricole dans l’UE ».
Faisant écho aux récents appels des États membres de l’UE en faveur d’un renforcement de l’étiquetage de l’origine et de la traçabilité, l’association demande un étiquetage obligatoire de l’origine indiquant « les pourcentages par ordre décroissant ». Elle souhaite aussi un renforcement des contrôles nationaux et des vérifications systématiques des lots de miel importés sur la base de méthodes améliorées combinées à la preuve de la traçabilité de la ruche jusqu’au pot de miel.