Cette année, la date du jour du dépassement a reculé de trois semaines par rapport à 2019. Il s’agit, a priori, d’une bonne nouvelle, mais est-ce vraiment le cas ?
Le « jour du dépassement » écologique est en recul en 2020, est-ce bon signe ?

C’est l’heure du dépassement. Calculé par le groupe de réflexion américain Global Footprint Network, en collaboration étroite avec l’organisation non gouvernementale (ONG) dédiée à la protection de l’environnement WWF, le jour du dépassement – le 22 août – marque la date où à l’échelle planétaire, « nous aurons pêché plus de poissons, abattu plus d’arbres et cultivé plus de terres que ce que la nature peut nous offrir au cours d’une année », détaille Pierre Cannet, directeur du plaidoyer à WWF France. Parallèlement, nos émissions de dioxyde de carbone seront supérieures à la capacité d’absorption des forêts et océans.

Comment ça marche ?

Cette date est déterminée à partir de 15 000 données recueillies par pays, issues du système statistique des Nations unies (ONU) pour obtenir un résultat mondial. Les données englobent aussi bien les émissions de gaz à effet de serre, la consommation de bois et la déforestation que les données démographiques, la consommation de viande et de poisson… « Toutes ces données offrent une photographie sur l’année de ce que l’humanité a pu produire et consommer par rapport à ce que la planète est en capacité d’absorber en termes de demande »,résume Pierre Cannet.

Néanmoins, ce dernier le précise bien volontiers : cet indicateur, « très simple à comprendre », ne peut pas être le seul indice prit en compte dans une démarche de transition écologique. « Il ne parle pas de biodiversité par exemple. Chez WWF, c’est un indicateur parmi d’autres. »

Le niveau de consommation actuel de la population mondiale nécessite les ressources que fournirait 1,6 planète. (Graphique : Global Footprint Network)

Selon les calculs des deux ONG, il faudrait l’équivalent des ressources de 1,6 planète pour que l’humanité continue de consommer et de produire à ce rythme.

La Terre vivra donc les quatre prochains mois à crédit. Elle ne pourra donc pas se régénérer. Cela entraîne des répercussions considérables ( sécheresses, montées des eaux, disparitions de la faune et de la flore…) qui se cumulent au fil des ans.

Trois semaines de « gagnées »

L’année 2019 a été synonyme d’un triste record concernant le jour du dépassement. Pour la première fois, celui-ci a eu lieu au mois de juillet dernier. La raison ? Le confinement, répercussion de la pandémie de Covid-19 qui a permis à l’humanité de gagner trois semaines sur l’année 2020.

Les mesures et les politiques mises en place à travers le monde pour lutter contre la propagation du virus ont engendré une baisse de l’empreinte carbone planétaire de 14,5 % grâce à la diminution de la consommation d’énergies fossiles (charbon, pétrole) ; ainsi qu’une réduction de 8,4 % de l’empreinte forestière en 2020 à la suite de la diminution de la consommation de bois.

Un trompe-l’œil

« La moitié de l’humanité a été confinée mais l’activité ne s’est pas arrêtée pour autant », rappelle Pierre Cannetde WWF France. L’économie a continué de fonctionner notamment pour nous approvisionner en eau, en aliments, en services, en data et connexion internet. « Nous n’avons gagné que trois semaines car le confinement, suivi du déconfinement, a engendré un regain de l’activité par la suite. »

L’activité industrielle ne s’est pas arrêtée pendant le confinement, elle a seulement ralenti. (Photo : CC0 Public Domain)

« Le recul de trois semaines lié au ralentissement contraint de l’économie en pleine crise du Covid-19 n’est qu’un trompe-l’œil », explique Pierre Cannet. En effet, ce qui s’apparente à une progression, n’est en aucun cas le résultat de politiques environnementales efficaces mises en place, mais seulement une conséquence du confinement.

En somme, on peut parler d’une « fausse bonne nouvelle puisqu’il n’y a pas eu de traitement à la racine du problème ». L’humanité vivra trois semaines de moins à crédit en 2020 mais cela implique qu’en 2021, si les conditions sanitaires ne causent pas une situation similaire, le jour du dépassement sera de nouveau en juillet.

Dans l’attente de réponses des instances gouvernementales

Pour éviter cette situation et reculer durablement le jour du dépassement, il faut mettre en place des politiques vertes durables et efficaces.

Il faut tendre vers une « société du moins, mieux, autrement », estime Pierre Cannet. Beaucoup de gouvernements sont actuellement en train de préparer ou de présenter leur plan de relance. Les politiques et investissements qui s’ensuivront influeront sur la société du futur, Pierre Cannet parle d’une « responsabilité historique ».

Dans l’étude « Monde d’après : l’emploi au cœur d’une relance verte » parue en juillet, WWF prouve qu’il est possible d’allier écologie et économie à travers les secteurs de la rénovation, du renouvelable, des transports en commun ou encore de l’électromobilité…

Selon l’étude, plus d’un million d’emplois pourraient être créés d’ici la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. « Nous avons pour idéal à travers ses plans de relance de voir reculer de façon durable le jour du dépassement tout en soutenant la transition écologique et l’emploi. »

Rappelons qu’en juillet, le gouvernement Castex a évoqué que 20 milliards d’euros, sur les 100 milliards du plan de relance, seront dédiés à la transition, avant que le montant soit augmenté à 30 milliards d’euros. Le Premier ministre parle d’une « écologie d’action et de terrain ». WWF s’interroge néanmoins sur comment ce plan de relance permettra une transformation en profondeur de l’économie française.

« La transition écologique que l’on souhaite, ce n’est pas mettre en pause l’économie et les infrastructures actuelles, mais transformer en profondeur notre modèle de consommation et de production. L’écologie ce n’est pas mettre sous cloche l’économie, c’est la transformer », conclut le directeur de plaidoyer de WWF France.

Source: ouest-france.fr

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