L'UE adopte in extremis la loi sur la restauration de la nature, un texte majeur du Pacte vert
Après des mois de blocages, l'Union européenne a définitivement adopté, lundi 17 juin, la loi sur la restauration de la nature. Une législation qui vise à enrayer le déclin de la biodiversité en réparant les écosystèmes abîmés et en préservant forêts, cours d'eau et terres agricoles. Le texte final a cependant été fortement édulcoré après une âpre bataille politique.
La décision, soutenue par 20 États sur 27 lors d'une réunion des ministres de l'Environnement à Luxembourg, ouvre la voie à l'entrée en vigueur de ce texte. Il avait déjà été validé par les eurodéputés.
Coup de théâtre : l'Autriche, qui avait officiellement choisi de s'abstenir en raison de divisions dans la coalition au pouvoir, a finalement voté pour. Le chancelier conservateur Karl Nehammer a jugé "illégal" le vote de sa ministre écologiste Leonore Gewessler, et annoncé "introduire un recours en annulation" devant la justice européenne.
Le Belge Alain Maron, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, a estimé qu'il s'agissait d'une "querelle interne" à l'Autriche et que seul compte le vote des ministres. "Pas de pause environnementale [...], c'est notre devoir de répondre à l'urgence de l'effondrement de la biodiversité", a commenté ce responsable écologiste.
Une "victoire historique" selon les ONG
La législation, dont l'adoption est qualifiée de "victoire historique" par l'ONG environnementale WWF, impose d'instaurer d'ici à 2030 des mesures de rétablissement des écosystèmes sur 20 % des terres et espaces marins à l'échelle de l'UE, et de restaurer 30 % des habitats (zones humides, forêts, etc.) en mauvais état.
D'autres dispositions visent à améliorer les critères mesurant la santé des forêts, à retirer des barrages sur les cours d'eau, ou encore à stopper le déclin du nombre d'abeilles.
Après d'âpres pourparlers, concernant notamment le secteur agricole, les négociateurs du Parlement européen et des États s'étaient entendus mi-novembre 2023 sur une version très édulcorée de cette législation pour la "restauration de la nature", un accord entériné fin février par les eurodéputés.
Mais l'ultime feu vert formel des Vingt-Sept, indispensable, se faisait attendre, faute de majorité requise (au moins 15 pays représentant 65 % de la population de l'UE) : trois États (Suède, Pays-Bas, Italie) entendaient voter contre, et cinq (Belgique, Autriche, Pologne, Finlande, Hongrie) s'abstenir.
D'autres dispositions visent à améliorer les critères mesurant la santé des forêts, à retirer des barrages sur les cours d'eau, à stopper le déclin des abeilles.
Ils s'alarmaient notamment de nouvelles charges pour les agriculteurs, d'entraves pour la puissante sylviculture des pays scandinaves ou "d'ingérences accrues" de l'UE.
"Un tournant pour la nature et la société"
Lundi, seule la ministre autrichienne a changé de position, ce qui a suffi à faire basculer l'issue du vote.
"Ma conscience me dit sans équivoque que lorsque le bonheur des générations futures est en jeu, des décisions courageuses sont nécessaires", a martelé Leonore Gewessler, saluant "de bons compromis et des mesures équilibrées".
"Le temps pour les arguties politiques et idéologiques est derrière nous", a réagi le commissaire européen à l'Environnement Virginijus Sinkevicius, rappelant que le texte traduit les objectifs adoptés à la COP15 Biodiversité de Montréal de 2022.
Pour la ministre espagnole Teresa Ribera, les États sont tenus d'entériner le compromis qu'ils avaient eux-mêmes conclus avec le Parlement européen : "C'est une question de cohérence. Il serait difficile, voire dangereux en termes de crédibilité des institutions, de faire marche arrière", avait-elle averti.
Son homologue français Christophe Béchu s'est félicité d'un vote permettant de "préserver pour les générations futures les services rendus par les écosystèmes pour garantir nos moyens de production et notre résilience".
La fin du marathon institutionnel a été saluée comme "un tournant pour la nature et la société" par une coalition d'ONG écologistes (BirdLife, ClientEarth, WWF, European Environmental Bureau), appelant les États à appliquer le texte "correctement et sans délais".
La législation "aidera à renforcer la résilience des mers, le plus grand réservoir de carbone, en luttant contre la pêche destructrice", à rebours du "discours anti-environnement" ayant marqué la campagne des européennes, abonde Nicolas Fournier, d'Oceana.
À l'inverse, la Confédération européenne des propriétaires forestiers a condamné, par la voix de son vice-président, "une législation synonyme de surréglementation et de bureaucratie [...] mettant la nature sous cloche".
"On ne peut pas nous dicter d'en haut comment gérer notre exploitation : si on croit aider la nature sur ordre, ça ne marche pas", a réagi le principal syndical agricole allemand.
L'impact du texte en milieu rural avait suscité une violente bataille politique l'an dernier, les eurodéputés de droite y voyant une menace pour la sécurité alimentaire. Cela avait nourri la colère agricole début 2024 malgré les vastes flexibilités introduites.