TiredEarth : La courte interview de Cécile Chalamet, coach santé
Interview avec Cécile Chalamet
Cette interview a été réalisée par Juliette Dubois
Photo éditée : ©Tired Earth France
Comment la pandémie affecte-t-elle les systèmes alimentaires, la sécurité alimentaire, les moyens d'existence agricole ?
La pandémie a eu des impacts positifs, notamment concernant les habitudes de consommation. Le confinement a été l'occasion pour certains d'acheter plus local et de pousser la porte des petits commerces de proximité.
Une chose m'a choquée : pendant la crise, les grandes marques et les distributeurs ont été autorisés à modifier les recettes des produits, sans changer les étiquettes. Cela me semble dangereux. D'abord parce que les ingrédients de qualité coûtent cher. Pour augmenter la rentabilité, il est facile et très tentant de les remplacer par d'autres ingrédients moins chers, venant de loin. Ensuite, cela met le consommateur dans une situation anormale : il ne peut pas savoir ce qu'il mange.
Comment s'alimenter en période de confinement ?
Je vais répondre sur l'alimentation au sens large. Je m'explique : on ne se nourrit pas que des aliments, mais aussi des autres ou encore de notre travail.
Dans le cadre de la gestion de la crise, la plupart des réflexions sont orientées vers les traitements : trouver un médicament, un protocole, un vaccin. Nous sommes devenus des experts des maladies au lieu d'être des experts de la santé. Je suis très convaincue par la nécessité de prévenir plutôt que de guérir. Le corps est une formidable machine, capable de beaucoup de choses. Son fonctionnement nous échappe en grande partie. Comme une plante a besoin d'eau, de terre et de soleil, le corps a besoin qu'on prenne soin de lui pour bien fonctionner.
Par exemple ? Les liens sociaux diminuent de moitié le risque de mortalité. L'impact est plus important que les traitements médicaux reçus. Ce genre de constat, issu d'une étude très sérieuse, devrait compter dans notre façon d'aborder la santé, notamment en période de crise sanitaire.
Je travaille sur 4 piliers avec mes clients : l'alimentation, le sommeil, le stress et le sens de la vie. Prêter attention à ces choses est important, en période de confinement particulièrement.
Dormir plus
C'est un conseil simple mais ça n'empêche pas que cela soit très puissant. Notre corps a vraiment besoin de sommeil pour bien fonctionner et notamment lutter contre les virus. Aujourd'hui, on sous-estime le rôle du sommeil.
Notre vrai besoin est masqué par la suractivité, ou encore par les excitants, tels que le café, le thé, le sucre.
Moins de stress
C'est fondamental. Le stress met notre système nerveux dans un état d'alerte. Certaines fonctions sont priorisées au détriment d'autres. C'est un peu comme si notre corps se mettait en mode dégradé. Pour lutter contre les virus, nous devons éviter le stress, apprendre à le gérer. Sous stress, la maladie nous touche plus facilement.
En 1968, 40 000 personnes sont décédées en quelques mois à cause de la grippe de Hong Kong. Le traitement médiatique a été complètement différent, on en a peu parlé, la vie ne s'est pas arrêtée. Dans le contexte de la crise actuelle, le niveau d'anxiété est énorme. Quelle conséquence sur la mortalité ? Difficile de le déterminer. Mais ce n'est pas parce qu'on ne sait pas l'identifier que le phénomène n'est pas réel.
Il faut prendre du recul, garder les pieds sur terre. Peut-être accepter aussi qu'on est petit, qu'on ne maitrise pas tout, qu'il y a quelque chose au-dessus de nous qui nous dépasse. C'est un exercice de lâcher prise, indispensable pour ne pas se laisser gagner par le stress.
Manger mieux
J'ai vu des incitations à consommer des sucreries pour se réconforter pendant ces temps difficiles, mais j'ai rarement vu d'incitations à manger mieux. Ce que l'on mange a pourtant un effet direct sur notre santé, notamment sur notre immunité.
Manger des aliments bruts, non transformés. Manger à sa faim. Cuisiner à la maison. Des conseils très simples, peut-être trop simples. On a tendance à croire que les remèdes compliqués sont plus efficaces.
Alimentation et environnement, c'est quoi le rapport ?
Dans mon cheminement vers une alimentation plus saine, j'ai remarqué une chose : ce qui nourrit le mieux c'est ce qui pollue le moins. Et je pense que c'est parfaitement logique.
Par exemple, Il y a une cohérence entre ce qui pousse localement et ce dont nous avons besoin, d'un point de vue nutritionnel. Cela est confirmé par des études, notamment concernant les bactéries. On parle beaucoup en ce moment de l'importance d'une bonne composition de notre microbiote en bactéries, mais personne ne maitrise vraiment de quelle bactérie nous avons besoin et en quelle quantité. Le recours à des probiotiques me semble très hasardeux.
Je pense que les besoins en nutriments sont différents selon les saisons et selon l'endroit où nous habitons. On peut se fier à ce qui pousse localement. C'est bon pour la santé, c'est bon pour la planète.
Cela sous entend une chose : savoir ce qui nourrit vraiment, et ce qui pollue le moins.
En apparence, il y a un consensus. Mais quand on regarde de près, le problème est complexe, les avis sont très variés et il y a beaucoup de confusions. On émet des hypothèses, qui avec le temps sont considérées comme ayant été prouvées scientifiquement. Mais il faut toujours savoir remettre en question les fondamentaux. Ceci est vrai pour l'écologie comme pour la nutrition.
L'élevage est un sujet clé. Il est évident que les élevages industriels sont très néfastes, autant pour la santé que pour la planète. Sans parler de la maltraitance animale, qui est un scandale éthique. Mais je crois qu'il faut être nuancé. Tous les élevages ne se valent pas.
L'agriculture régénératrice est un sujet qui m'intéresse beaucoup. C'est de l'élevage traditionnel, qui permet une régénération des sols : le carbone et l'eau sont retenus dans les sols. Autrement dit, on sait que le compost enrichi les sols, mais on oublie que les bouses de vaches aussi ! Encore faut-il laisser les vaches dans les prés, leur laisser suffisamment d'espaces, les nourrir d'herbes et non de céréales.
Certains prédisent que dans quelques années, nos sols seront trop pauvres pour que nous puissions faire pousser quoi que ce soit. Dans ce contexte, ne manger que du végétal ne me semble pas être une solution. Encourage les élevages respectueux me semble primordial.
Une vache qui mange de l'herbe et vit dans un champ donne une viande de meilleure qualité, avec un bon ratio oméga 3/oméga 6 et de la vitamine D. A mon sens, on ne parle pas assez de la richesse nutritionnelle de la viande. Dans les années 50, les produits animaux ont été diabolisés, notamment le gras animal. On le croyait responsable des maladies cardiovasculaires. Ceci est aujourd'hui contesté et je pense que c'est à juste titre.
Pourquoi arrêter de boire de l'alcool ?
Tout ce que je peux dire, c'est que mes clientes qui réduisent l'alcool voit rapidement de grands bénéfices santé, notamment au niveau hormonal. On sous-estime en effet le rôle du foie dans la régulation des hormones !