Le climat ne se stabilisera que lorsque nous auront atteint la neutralité carbone.
Tired Earth : La courte interview de Greg De Temmerman, directeur général du think tank Zenon Research

Cette interview a été réalisée par Melania Giordano

 

L’homme est-il le principal responsable du changement climatique ?

Oui ! Dans le rapport du groupe 1 du GIEC sorti en Aout 2021, il est dit clairement que l’influence humaine sur le climat est sans équivoque. Plus encore, le rapport conclut sur le fait que l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’a pu être causée que par l’activité humaine (la concentration en CO2 dans l’atmosphère est maintenant 50% plus élevée que pendant l’ère pré-industrielle).

En particulier, l’une des principales causes du changement climatique est notre utilisation massive de charbon, gaz, pétrole (qu’on appelle combustibles fossiles). Ces combustibles sont composés de carbone (entre autre) qui était stocké de façon permanente dans des couches géologiques. Nous brûlons ces combustibles et relâchons ce carbone dans l’atmosphère ce qui réchauffe le climat.  En 2019, les émissions mondiales de CO2 étaient de 45 milliards de tonnes, et près de 59 milliards de tonnes équivalent CO2 si l’on considère l’ensemble des gaz à effet de serre.

C’est en effet près de 15 milliards de tonnes de combustibles fossiles que nous utilisons chaque année- une quantité qui n’a fait que croitre par le passé. Rien que pour le charbon, la production mondiale est de quasiment 8 milliards de tonnes, soit un peu plus d’1 tonne par habitant de notre planète- il y a évidemment de très grosses disparités, en France par exemple nous utilisons très peu de charbon. Mais quel que soit l’endroit où ils sont émis les gaz à effet de serre ont le même effet sur le climat.

Quelles sont les conséquences à venir du changement climatique ?

Il faut déjà préciser que le climat a déjà changé. La planète s’est réchauffée d’environ 1.1 degrés depuis 1800. Un chiffre qui masque de gros contrastes : les continents se réchauffent plus vite que les océans par exemple. On voit cette année des successions de vagues de chaleur qui sont l’une des signatures du réchauffement. Sur les 6 premiers moins, l’année 2022 est déjà dans les 6 années les plus chaudes que l’on ait connu- et c’est sans compter sur les canicules de Juillet. 

Parmi les conséquences liées au changement climatique : des températures plus élevées, une augmentation des sécheresses et des incendies, une hausse de la fréquence des évènements météorologiques extrêmes, l’élévation du niveau de la mer, des forts impacts sur la biodiversité, etc. 

Il est important de comprendre que la vitesse à laquelle le climat change rend l’adaptation, notamment pour la biosphère, extrêmement difficile. 

Quel est le coût de la lutte contre le changement climatique ?

C’est une question assez complexe car il faut mettre en parallèle le coût des actions à mettre en place, avec le coût du changement climatique, et avec les bénéfices que ces actions peuvent amener. Beaucoup d’études ont été faites pour estimer l’impact du changement climatique sur l’économie par exemple- avec des résultats parfois assez différents. Nous avons publié un rapport qui étudie différents scénarios et montre que le changement climatique peut affecter l’économie de façon durable et affecter le potentiel de croissance économique. D’autres auteurs parlent en milliers de milliards d’euros de dommages causés par le réchauffement. Dans le rapport du groupe 3 du GIEC, il est montré que le coût des actions à mettre en place est inférieur aux bénéfices apportés par le fait de limiter le réchauffement.

Il faut également penser à cette question d’un point de vue gestion des risques. Plus le climat se réchauffe et plus nous entrons dans une zone inconnue pour l’humanité avec un climat beaucoup plus hostile et des conséquences potentiellement dramatiques. Les effets sur la biodiversité par exemple ne sont pas forcément comptés dans les analyses coûts-bénéfices, et pourtant la biodiversité est un paramètre extrêmement important. Il y a donc tout intérêt à ne pas laisser la planète se réchauffer beaucoup plus…

Quelles sont les solutions ?

La solution principale c’est d’arrêter d’émettre des gaz à effet de serre ! Le climat ne se stabilisera que lorsque nous auront atteint la neutralité carbone, c’est-à-dire le moment où l’humanité ne rajoutera plus une molécule de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Environ 75% des émissions de CO2 sont liés à notre utilisation de l’énergie. Il faut donc un changement radical de notre système énergétique- un système construit et développé depuis au moins 2 siècles (l’émergence de l’utilisation du charbon date du 19ème siècle). Et ce changement doit être très rapide. Pour rester sous les 1.5 degrés de réchauffement, il faut diminuer nos émissions d’un facteur 2 d’ici 2030 pour atteindre la neutralité vers 2050. Moins de 30 ans, une génération… 

L’Agence Internationale de l’énergie montre que toutes les solutions nécessaires pour ces baisses d’émissions d’ici 2030 existent mais doivent être déployés à des rythmes bien plus élevés que ce qui est fait pour l’instant. Développement des énergies renouvelables, électrification des transports, baisse de la consommation de viandes, amélioration de la gestion des sols, arrêt de la déforestation, etc. Ce sont des choses qui existent est peuvent (en théorie) être mises en place.

A plus long terme, on estime que les baisses d’émissions nécessaires en 2050 viendront de technologies encore en phase de développement. Décarboner des secteurs comme l’aviation, le transport maritime, la fabrication d’acier (on en produit 2 milliards de tonnes par an), de ciment (4 milliards de tonnes par an), sera très difficile et nous n’avons pas forcément encore de solutions techniques déployables à l’échelle.

Baisser nos émissions impliquera également de repenser notre rapport à l’énergie et à réfléchir à notre utilisation de matières premières : l’économie mondiale utilise 100 milliards de tonnes de matériaux par an. Nous vivons dans un système totalement irrationnel : le taux d’occupation moyen d’une voiture en milieu urbain est de 1,06. Sachant que le poids moyen d’un français est de 74kg et que le poids moyen d’une voiture est de 1240kg, on voit assez bien l’aberration… Et il existe un nombre incalculable d’exemples de ce type… 

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